Des pyramides pour surfer ?
Les pyramides ont mauvaise presse. Depuis des décennies,
on ne parle que de les inverser, les renverser, les éclater,
les détruire... Preuve, s'il en était besoin,
qu'elles se portent bien ! Ce qu'on vise en général,
c'est ce qu'elles symbolisent dans les organisations, hiérarchie,
spécialisation, rigidité ou inertie. Pourtant,
il y a plus grave : elles sont très présentes
aussi dans nos têtes, notamment comme symboles d'un monde
"solide" - or le monde est plus "fluide"
que jamais. Pour surfer en milieu fluide, on a moins besoin
de concevoir des monuments pérennes que des véhicules
agiles. Les pyramides elles-mêmes ne sont pas en cause.
Mais cessons de compter sur elles pour surfer. Cette contradiction
entre fins et moyens est facile à résoudre. Ce
qui l'est moins, c'est d'arriver à la voir - condition
pour envisager les remises en question dont dépendent
des objectifs comme l'innovation ou le développement
durable. Réciproquement, ceux-ci peuvent contribuer à
résoudre la contradiction... ou, faute de la voir, à
la renforcer.
La pyramide est une figure emblématique des blocages
actuels. De ceux qu'avait identifiés Michel Crozier dans
ses analyses sociologiques de la Société bloquée
et du Phénomène bureaucratique, ou d'autres
blocages que nous fabriquons "culturellement". Par exemple,
elle symbolise la puissance du pouvoir central, alors que nous
vivons dans un monde en réseau ; la stabilité
de l'élément solide, quand nous évoluons
en milieu fluide ; l'unité d'une masse homogène,
or le potentiel lié à l'individualisation
n'a jamais été aussi fort...
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> Même à l'envers, une pyramide reste une pyramide...
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