La complexité croissante des relations micro-macro
est illustrée par la sophistication progressive de l'organisation
d'un service public de transport des personnes : témoignage
d'un maire.
Notre commune est la plus petite de la CommAgglo (communauté
d'agglomération) et la plus excentrée. Autrefois,
nous devions financer un service d'autocars pour emmener des
collégiens, lycéens ou autres passagers le matin
et les ramener le soir. Le coût était très
lourd pour notre petit budget, en contrepartie d'un service
très réduit : ponctuel, point à point,
un aller le matin et un retour le soir, à des heures
et sur des trajets qui ne convenaient pas à bien des
personnes, notamment pour aller au travail.
La 1è révolution a été celle
de l'intelligence collective, avec l'approche intercommunale
: pris en charge par la CommAgglo, le réseau de bus de
la ville-centre a été élargi à toute
l'agglomération. Avec le jeu des péréquations
et autres clés de répartition, notre contribution
budgétaire au réseau correspondait à peu
près au budget de l'ancien "ramassage" devenu
inutile. Donc pour le même prix, on avait un service nettement
accru : un vrai quadrillage de tout le territoire intercommunal,
ouvert à tous, avec des bus toutes les 20 minutes !
La 2è révolution a été celle
de la gouvernance, dont la première retombée
concrète a été un partenariat avec des
entreprises et d'autres employeurs, l'hôpital, des associations
: ils ont accru leur participation au financement du réseau
moyennant une meilleure desserte des zones d'activité
en fonction des besoins de leurs salariés ou des attentes
de leurs clients.
La 3è révolution a été celle
de l'optimisation du système. Car des bus
à longueur de journée sur tout le réseau,
alors qu'il n'y a pas de passagers sur certains tronçons
à certaines heures, ça fait vite des centaines
de kilomètres "à vide". Arrêter
le service aux heures creuses aurait posé un problème
à certaines personnes : M. X pour aller à l'hôpital
faire sa piqûre 3 fois par mois, Mme Y pour garder ses
petits-enfants 2 ou 3 fois par semaine, etc. Maintenir tout
le dispositif au nom du service public aurait fait payer très
cher à la collectivité la satisfaction de quelques
besoins ponctuels. La solution a consisté à prendre
en charge ces déplacements atypiques dans le cadre d'une
prestation taxi dont on a défini collectivement
les règles du jeu. Bien sûr, quand l'idée
a été lancée, certains ont protesté
au nom de grands principes mal compris, mais le bon sens a gagné
: il est évident qu'il aurait été stupide
de choisir entre l'intégrisme du respect du service
public consistant à faire rouler des bus vides et
celui de la rentabilité consistant à ignorer
la demande sociale, alors qu'avec un peu de matière grise
on pouvait tout concilier !
[Ces mêmes problématiques s'appliquent à
d'autres situations, parfois plus complexes, selon des modalités
plus élaborées ; pour les relations familles-employeurs-collectivités,
voir notamment l'exemple de l'accueil en relais pour la garde
d'enfants : http://www.algoric.com/y2/Gepetto-JPQ.htm]
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