Etonnez-moi !
Intelligence stratégique, vigie technologique, écoute
des marchés, détection de tendances, identification
de bonnes pratiques, capture de signaux faibles, espionnage industriel,
benchmarking, réseaux d'alerte... Les activités
de veille croissent et embellissent. Ce n'est pas ici qu'on s'en
plaindra. Elles sont nécessaires, on ne le dira jamais
assez. Elles ne sont pas suffisantes pour autant, en particulier
s'agissant de différenciation concurrentielle : certains
en attendent des miracles, mais jamais elles ne pourront déboucher,
seules, sur une offre créatrice. Ces démarches "réactives"
peuvent autant conduire aux produits et services de demain que
les sondages d'opinion peuvent conduire à une politique
cohérente et audacieuse ! Ce n'est pas une raison pour
les négliger.
Bien des veilleurs se prosternent devant une de ces affirmations
péremptoires qu'affectionnait Napoléon : "Se
faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable".
Sans épiloguer sur le rapport entre fins et moyens (l'anticipation
serait-elle une fin en soi ?), on ne peut que se rallier à
cet hymne à la vigilance. Avec quelques réserves
toutefois. D'abord, ne perdons pas de vue que si l'on "veille",
ce n'est pas pour le plaisir de "rester éveillé",
ni même simplement pour "trouver quelque chose",
mais pour déceler à temps quelque chose de
pertinent... Ensuite, notons qu'à trop vouloir éviter
de se faire surprendre, certains en viennent à oublier
de chercher à surprendre.
Or, pour les entreprises comme pour les militaires
ou les joueurs d'échecs, l'effet de surprise est important
car il détermine leurs marges de manuvre, voire
leur maîtrise du jeu. Plus les concurrents sont réactifs,
plus la course à l'innovation (technologique ou marketing)
est serrée ; plus les copieurs copient vite, plus les
copiés doivent renouveler leur offre... Qu'on choisisse
de faire "plus" (avantage quantitatif, meilleur prix)
ou "mieux" (avantage qualitatif, meilleure valeur
ajoutée), c'est une course épuisante. Sauf si
- sans s'interdire de faire "plus" ou "mieux"
- on fait "autrement" (n°
49) : on s'impose par une créativité sur d'autres
terrains que ceux auxquels les concurrents peuvent rapidement
accéder. Il ne s'agit plus d'être simplement en
avance sur eux, mais d'être ailleurs : alors, peu importe
s'ils progressent plus vite ; ils peuvent même atteindre
la perfection, puisque c'est dans un jeu qui bientôt n'aura
plus cours ou ne nous concernera plus.
Suite
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