Après les pionniers anonymes puis les
vedettes du show-biz, du sport ou de la politique, les patrons
s'y sont mis : qui n'a pas son blog ? Sans oublier les médias,
qui tentent de récupérer ce concurrent qui les
a dépossédés d'une partie de leurs prérogatives...
et de leurs chalands. Au-delà de la course à l'audience,
la prolifération des blogs a dérangé bien
des habitudes et renforcé diverses tendances, particulièrement
dans le traitement de l'information (accroissement des flux,
temps réel...) ou dans
la communication (remplacement de médiations par des
circuits directs, de la langue
de bois par un "parler vrai"...).
Si elle a aussi bousculé certaines règles établies,
notamment quant à "l'objectivité"
de l'information - le blog n'est pas soumis aux règles
déontologiques des professionnels de l'information, ce
que certains lecteurs oublient - notons qu'une forme de sens
moral peut conduire la communauté des blogueurs à
exclure les tricheurs repérés, par exemple en
cas de "vrai-faux" blog à la gloire d'un produit
commercial ou politique.
Née à la fin des années
1990, la notion initiale de web log ("journal web")
mettait l'accent sur l'expression non
médiatisée ; apparue en 1999, la forme
we blog ("nous bloguons", avec un jeu de mot
intraduisible) correspond non seulement à la création
du mot blog, donc à la désignation d'une
activité spécifique
(le nom a rapidement suivi le verbe), mais suggère une
volonté d'appropriation
(c'est bien nous qui parlons, pas une institution) et
d'identité ou de communauté
(de vues, d'intérêts...), ainsi qu'une dimension
interactive. Le néologisme
est confirmé par le succès de Blogger,
première plate-forme de création et d'hébergement
de blogs, créée la même année ; son
rachat ultérieur par Google symbolise la complémentarité
entre le blog et le moteur de recherche. Parmi les prolongements,
mentionnons le buzz, exploitation des blogs comme caisse de
résonance.
Les blogs se sont propagés comme une
traînée de poudre grâce à une convergence
de facteurs techno-économiques
(comme l'essor et la baisse de coût de l'informatique,
de l'internet, de logiciels permettant de faire très
facilement ces mini-sites web), socio-culturels
(tels le besoin ou l'envie de s'exprimer, d'entendre un autre
discours, d'échanger sur cette nouvelle agora virtuelle)
et politico-institutionnels
(dont un certain archaïsme d'institutions ou médias
pas assez réactifs face à de nouvelles attentes).
La présentation antichronologique (le
texte - appelé post - le plus récent figure
en tête) renforce le caractère éphémère
et le côté non hiérarchisé
des messages : le suivant passe devant le précédent,
quelles que soient leurs "valeurs" respectives. Le
classement des archives s'organise par rapport au calendrier,
ce qui confirme cette structuration en référence
au temps.
Une telle expression spontanée, interactive,
"impliquée", foisonnante, constamment réactualisée,
se traduit par des flux d'autant plus massifs qu'un blogueur
consomme sans modération les blogs des autres, dans un
faisceau de relations plus
ou moins réciproques où se multiplient les liens
hypertexte. Et ces flux sont encore démultipliés
par des pratiques automatiques
comme la RSS (Really Simple Syndication), qui reproduit
certains contenus sur d'autres sites, ou comme le trackback
qui, à la fin d'un post, liste les blogs qui l'ont
repris.
Les thématiques sont très variées,
depuis les centres d'intérêt très pointus
ou "l'alterjournalisme" (notamment en Irak) jusqu'aux
causes de tous ordres (humanitaire pro-victimes du tsunami ou
militantisme anti-Bush), en passant par les préoccupations
d'entreprises de plus en plus présentes, avec des objectifs
liés à l'image,
au marketing, à la communication
de crise...
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