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1 - Information : stocker les flux...
Le rapprochement ou la confrontation entre
blog et glob renvoie d'emblée à un débat
récurrent quand il est question de traitement de l'information
: quelle place accorder respectivement au local et au global
? Débat au cur du développement des technologies
de l'information autour de 1980 : faut-il favoriser la micro-informatique
(chacun chez soi !) ou les grands systèmes centralisés
(tous sous la coupe de Big Brother !) ? Jusqu'à
ce que l'évidence s'impose : on n'est pas obligé
de choisir entre indépendance et dépendance,
car on peut combiner autonomie et interdépendance
grâce aux progrès fulgurants des micro-ordinateurs
et à leur mise en réseau à grande échelle.
C'est dans cette même logique de complémentarité
qu'il faut se placer ici, car si le blog favorise l'autonomie,
dans un foisonnement d'expressions individualisées ou
spécialisées, le glob renforce considérablement
la portée de l'interdépendance, par une
ouverture qui permet au dispositif de ne pas se borner à
une relation entre blogueurs consanguins.
Cette possibilité devient une nécessité
avec la croissance exponentielle des flux de blogs : d'abord,
parce que cette ouverture favorise la créativité
et les métissages interculturels, alors que sans elle
ces flux considérables se mettront en boucle et on tournera
en rond ; ensuite, parce qu'une structure peut réduire
les menaces qu'induit la prolifération des flux. Deux
menaces extrêmes : le courant d'air (on
zappe vers les informations suivantes sans assimiler les précédentes)
et la saturation (on essaie vainement d'intégrer
à la fois tout ce qui précède et tout ce
qui arrive trop vite). Entre les deux, on peut faire comme l'huître
qui, quand elle sait "glober", arrive à fabriquer
sa perle avec ce qu'elle retient des flux d'eau qu'elle brasse...
C'est là une autre caractéristique forte du glob
: outre l'ouverture, il permet aussi de structurer le
zapping (faute de quoi on sera tenté de blinder
le mollusque).
Plus profondément encore, l'accroissement
des flux nous oblige à changer de mode de raisonnement,
à traiter l'information dans une logique dynamique
de flux, alors que nous restons souvent dans une logique
statique de stock. Un peu comme si l'on essayait de stocker
les flux. Comme si l'on assimilait encore la mémoire
à une sorte de grande commode ("mais dans quel tiroir
ai-je donc déposé cette information ?"),
quand on sait qu'en fait elle fonctionne en flux ("par
quel cheminement vais-je retrouver la voie sur laquelle se promène
cette information ?"). Tel était l'un des premiers
enseignements des neuro-sciences cognitives, apparues dans les
années 1990 ; c'est grâce à sa capacité
à traiter parallèlement plusieurs informations
et à les coordonner que l'homme peut en même temps
(et entre autres) "marcher et mâcher son chewing-gum".
Cette capacité, essentielle au niveau de l'individu pour
réaliser l'unité du moi, doit aussi
être renforcée au niveau collectif. De même,
la valeur des blogs, qui tient en grande partie à leur
foisonnement, sera accrue s'ils sont reliés non seulement
entre eux mais aussi à des éléments différents,
le tout étant mis en perspective dans une démarche
de synthèse appelée ici "glob".
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