Avec la société industrielle,
on est passé de la voiture attelée à l'auto
mécanique, avec chevaux-vapeur, engrenages
et autres quincailleries. La société postindustrielle
nous a livré la voiture électronique,
avec asservissements, régulations et autres applications
internes de microprocesseurs, auxiliaires vidéo, matériaux
techno... On va maintenant vers un véhicule systémique,
toujours autonome mais plus en interdépendance avec l'organisation
sociale, où certains services, asservissements ou régulations
électroniques sont le fait de systèmes externes
qui diminuent l'autonomie du conducteur : pour communiquer (télépéages,
GPS) puis pour fonctionner (vitesse ou distance, voire direction,
imposées par "la route"). Analogie intéressante
avec les affaires publiques : il faut vous occuper d'elles,
car de toute façon elles s'occuperont de vous...
(n°
95).
Chacun de ces changements d'époque impose
toutes sortes d'adaptations :
- dans la conduite : après avoir troqué les
rênes contre le volant, puis assimilé de plus
en plus de boutons ou voyants, il faudra s'habituer à
l'affichage virtuel sur le pare-brise ou à la
disparition du volant ;
- dans l'entretien : le professionnel de la réparation
mécanique s'est converti au changement de composants,
aux réglages électroniques, à l'individualisation
des applications : il est de moins en moins l'expert pointu
dans sa spécialité, de plus en plus l'assembleur
créatif, ouvert aux usages personnalisés de
chaque client. Le métier évoluera encore
avec l'essor des grands systèmes. Sans compter d'autres
facteurs de changement comme la concurrence-coopération
entre constructeurs (coo-pétition) : quid du "concessionnaire
exclusif" pour l'entretien d'une Toyota assemblée
par Peugeot, équipée d'un moteur Ford et d'une
boîte Fiat ?
- dans la gestion des interfaces : pour les cochers, le code
de la route se limitait à quelques usages non écrits
; on l'a progressivement formalisé plus strictement,
traduisant un accroissement de la complexité des
relations entre usagers ou entre eux et le système
;
- dans la façon d'entrer, souvent inconsciemment,
dans ce système : on enclenche un ensemble de dispositifs
de contrôle, sécurité, confort, commodités
annexes ; on prend des informations (météo,
itinéraire, trafic, radars) par radio, téléphone,
CB, satellite, capteurs, détecteurs... Elle est loin
l'époque où il suffisait presque d'atteler la
calèche et de prendre la route !
- plus en amont, dans la façon même dont chacun
conçoit sa place (individuelle) dans ce dispositif
(collectif) : l'acteur se sent de plus en plus dépendant
du système, dont en retour il attend un niveau croissant
de fiabilité...
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