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1 - Voir autrement : l'intelligence contre le guidon
Pour paraphraser un ancien dogme du Plan (l'emploi est lié
à la croissance, etc. ),
rappelons sans s'y étendre ici que, plus que jamais,
la performance (globale, pas seulement
boursière) est liée à l'innovation
(technique, sociale et culturelle ),
laquelle est liée à la créativité
(pas uniquement publicitaire), l'ensemble de cette chaîne
étant dépendant de l'intelligence. Ce mot
a plusieurs acceptions. Faculté de comprendre,
de conceptualiser, de s'adapter au changement,
de s'accorder avec d'autres : c'est bien à tous
les sens du terme que se réfère notre "société
de l'intelligence", depuis l'intelligence du cerveau jusqu'à
celle du cur en passant par la méthode, l'intelligence
collective et toutes les déclinaisons de l'ouverture.
Cette filière intelligence-créativité-innovation-performance
se compose de ressources qui, bien qu'immatérielles,
se cultivent, au même titre que les ressources matérielles.
Encore faut-il avoir envie de les cultiver, ce qui n'est pas
évident quand on ignore leur valeur... Afin de convaincre
(faute d'espérer séduire) ceux qui sacrifient
à la religion des chiffres, prenons la référence
de leur temple : même en bourse, la valeur s'apprécie
de plus en plus à partir d'éléments intangibles
et incorporels. Si Enron, Vivendi et autres scandales ont mis
en lumière des pratiques et appétits assez éloignés
de ce que l'intelligence donne de meilleur, divers signes sont
encourageants. Une étude (B. Lev) sur le rapport entre
capitalisation boursière et actifs des 500 premières
sociétés américaines conclut que les éléments
intangibles qui font la différence sont l'innovation,
le management et le leadership. Pour Kaplan et Norton, la valeur
des actifs dépend de la réputation, de l'aptitude
à innover et de la qualité de l'organisation.
Pour Huselid et Becker, augmenter de 5
% la motivation du personnel accroît de 1,8 % la clientèle,
soit 0,5 % de bonus financier. Ulrich et Smallwood comparent
sur plusieurs années des entreprises similaires : à
résultat égal, les actionnaires privilégient
la qualité du management, une culture clairement
perçue, la confiance suscitée et la qualité
des dirigeants.
Bien d'autres travaux vont dans le même
sens : il semble qu'on puisse trouver en bourse autre chose
que des voyous à courte vue visant le gain à tout
prix ; l'intelligence est rentable et des investisseurs ont
pu le comprendre. En Europe aussi, la logique de valeur
globale fait son chemin comme expression
d'une finalité commune à toutes les catégories
d'acteurs concernés dans et autour de l'entreprise :
collaborateurs, clients, fournisseurs, partenaires, actionnaires,
organisation sociale et autres parties prenantes qui, au lieu
de s'affronter dans des jeux à somme nulle ou négative,
collaborent pour co-créer diverses valeurs dans des jeux
à somme positive où chacun trouve son compte,
selon ses propres critères.
Ce triomphe de l'esprit sur la matière
n'est pas pour autant acquis dans les faits : reste à
assurer celui de l'inspiration sur la transpiration.
Parmi les conditions : changer certains modes d'analyse et d'action,
voir et faire autrement.
Ce nouveau regard sur la valeur est une composante
forte du "voir autrement". Un autre exemple est à
trouver dans notre regard sur l'innovation technologique et
sur la relation entre celle-ci et l'innovation sociale (voir
encadré 1).
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