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En guise d'introduction |
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Notre société connaît des changements si larges et si profonds
qu'on peut parler d'une mutation
globale, qui affecte aussi bien les bases matérielles de l'activité
(la technique, l'économie, l'écologie) que les comportements
(individuels, collectifs) et l'organisation sociale (institutions,
grands systèmes). Comme toute mutation, c'est un changement
d'état. Or nous abordons le nouvel état en conservant les références
de l'état antérieur : des repères (faits, données, images…),
des processus (physiques, économiques, sociaux, institutionnels…)
et même des paradigmes, au sens du terme qui désigne
des schémas conceptuels auxquels on se réfère, en général implicitement,
souvent inconsciemment, tantôt spontanément, tantôt dans le
cadre d'une manipulation exercée ou subie.
C'est
un peu comme si nous étions engagés dans une partie de jeu de
dames qui se transforme à notre insu en partie d'échecs. Les
dix lignes et colonnes du damier sont ramenées aux huit de l'échiquier
- mais, absorbés par le jeu, de plus en plus difficile et incompréhensible,
nous ne remarquons pas ce changement de nos repères.
Plus profondément, les pièces se diversifient, leurs mouvements
se complexifient, les règles du jeu changent - mais nous nous
obstinons à nous référer aux processus
que nous connaissions, même s'ils n'ont plus cours, ce qui ne
favorise ni la compréhension de ce qui se passe, ni l'efficacité
de nos actions. Plus fondamentalement encore, nous restons dans
la logique simple du jeu de dames, dans son paradigme
mécanique et linéaire, alors que si nous acceptions d'entrer
dans l'esprit du jeu d'échecs, dans son paradigme complexe et
systémique, nous ferions d'autres analyses, nous construirions
d'autres stratégies, nous prendrions d'autres décisions. Autrement
dit, nous pourrions "jouer dans le jeu" au lieu de
"pédaler à côté du vélo", tout serait plus simple,
nous serions en mesure de reprendre la main, de chasser la morosité,
de retrouver confiance en l'avenir...
Dire que le nouveau paradigme est plus complexe que le précédent
ne signifie pas que son mode d'emploi soit plus difficile, au
contraire [la simplicité est l'alliée
de la complexité, laquelle ne se confond pas avec la
complication qui, elle, est synonyme de confusion >>>].
Ce qui nous gêne dans cette phase de transition, c'est moins
la difficulté de la nouvelle situation que l'apprentissage qu'il
faut en faire ; et c'est surtout l'obligation d'affronter de
nombreux décalages : ceux qui résultent de l'écart entre les
réalités du jeu qui se joue et les illusions auxquelles on se
réfère. En d'autres termes, nous croyons être dans une situation
incompréhensible qui nous dépasse - incitant certains à s'en
remettre à la fatalité ou à un quelconque Big Brother,
ce qui ne fait qu'aggraver les choses - alors que nous avons
simplement à régler un problème de cohérence entre ce
qui se passe et la perception que nous en avons ; le plus difficile
n'est pas de gérer une situation complexe, mais d'accepter de
changer de perspective, pour voir que cette nouvelle
complexité est tout à fait accessible et qu'elle est riche de
formidables potentiels.
Nous sommes particulièrement mal préparés à ce changement de
perspective, car nos façons d'observer, d'analyser et de décider
ont été largement "formatées" aux normes de l'ère
industrielle (quantification, spécialisation, standardisation…),
souvent aux antipodes des besoins et caractéristiques de la
société postindustrielle.
Au menu du livre Les pieds ici... la tête
là ? - chapitre 1 :
Le propos pourrait se résumer ainsi : alors que les pieds ont
avancé, la tête reste en arrière ; comment y remédier... Il
s'adresse à tout honnête homme de ce début du XXIè siècle, pour
peu qu'il souhaite comprendre des changements qu'il perçoit
de façon disjointe alors qu'ils sont liés, dont il pressent
les enjeux même sans les identifier précisément. Outre les enjeux
culturels de cet autre regard, il en va de l'autonomie
des personnes dans leurs conduites de vie - aux plans familial,
social, civique… - car on ne peut trouver sa place dans un jeu
collectif que si l'on comprend ce jeu.
Plus généralement, s'adressant à "l'homme de la rue"
comme à l'étudiant, au responsable
d'entreprise ou d'association comme au dirigeant politique,
ce livre veut aider chacun à structurer le zapping qu'impose
le foisonnement d'information et de relations
dans une société diversifiée. L'aider aussi à construire et
conduire lui-même les démarches d'analyse et de réflexion
qui sous-tendent et orientent l'action.
Le lecteur trouvera différents types d'apports : des connaissances,
des analyses, des réflexions, des propositions… mais surtout
une incitation à faire lui-même ses propres diagnostics, dans
son contexte spécifique, en fonction de ses choix personnels
- "ce n'est pas difficile et c'est plus satisfaisant que
le prêt à penser ou le prêt à consommer !" Ces apports
relèvent de diverses disciplines : technologies, économie, droit,
sociologie, psychologie… Ils relèvent aussi, surtout, d'indisciplines,
d'approches transverses, notamment la prospective, la mémétique
et la communication stratégique. Car quand tout se tient, on
ne peut plus se borner à juxtaposer des apports disciplinaires
en négligeant leurs interrelations, ni à isoler certaines données
alors que c'est dans une vue d'ensemble qu'elles prennent tout
leur sens.
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a.
Constat : des turbulences,
des désordres...
b.
Diagnostic : des décalages
à effets cumulatifs
c.
Enjeux : les tiens, les miens,
les nôtres...
d.
Décision : tout ne dépend
pas de l'Etat ou du patron
e.
Orientations : comment,
certes, mais d'abord où, quoi, pourquoi,
pour quoi
f.
Arbitrages : subtils équilibres
entre le souhaitable et le possible
g.
Action : à nous de jouer,
ce n'est pas si difficile
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