www.algoric.com . JPQ / Equal-Gepetto décembre 2005  
 
1b. La réponse est oui... quelle était la question ?

L'accueil en relais est-il cher, voire trop cher, ou est-il rentable ? Cette simple question en appelle bien d'autres, en cascade : comment mesurer le coût et la rentabilité effectifs d'un dispositif émergent, trop récent pour permettre des réponses assises sur une masse critique significative ? De quel type de coûts parle-t-on ? Payés par qui ? Au bénéfice de qui ? D'ailleurs, comment s'articulent les différents rôles : prescripteur, décideur, bénéficiaire, prestataire, payeur ? A l'instar de Woody Allen ("la réponse est oui... quelle était la question ?"), on s'intéressera moins au contenu formel de la question qu'à sa portée profonde (voir chapitres suivants).

Il faut éviter les réponses simples (simplistes) face au foisonnement de questions complexes, de même qu'on se gardera de succomber à la tentation de tout quantifier - c'est tellement réconfortant de savoir que ça coûte 200 ou que ça rapporte 500, même si les chiffres n'ont aucune valeur, car ce qui compte se "mesure" autrement !

De plus, nous sommes ici dans une méta-étude (qui se fonde sur l'exploitation de matériaux existants), or la rentabilité des services qui nous intéressent a donné lieu à peu de travaux approfondis ; et les éléments disponibles sont disséminés dans diverses études traitant d'aspects connexes.

Enfin, il faut souligner le caractère approximatif de ces éléments. S'agissant d'un service dont la plus grande valeur est qualitative, on ne peut se contenter de raisonnements ou d'unités qui se bornent à mesurer des coûts et avantages quantifiables – autrement dit, quelle est l'unité de compte qui mesure le progrès de civilisation ? Pourrait-on se satisfaire d'une approche qui voit un appauvrissement dans un congé sabbatique ou parental (car statistiquement il diminue le PIB, même s'il permet de développer un projet ou d'autres valeurs non mesurées) et qui considère un accident de la route comme un enrichissement (car il augmente ce même PIB... quels que soient par ailleurs ses coûts non mesurés) ?

Une caractéristique élémentaire de la démarche prospective est précisément de s'employer à dépasser la pensée comptable[2].

Zoom... [cf. http://www.algoric.com/y/m2k03.htm ]

Le bonheur national brut

(...) autre aspect de la crise de la valeur ajoutée : les indicateurs statistiques retenus par les différents systèmes économétriques donnent une vision partielle et déformée de la réalité. Dénoncer la non-pertinence des agrégats des comptabilités nationales est même devenu un lieu commun. Sans aller jusqu'à substituer la notion de "bonheur national brut" à celle de "produit national brut", on peut déplorer que les accidents automobiles accroissent ce dernier, qui inversement ne décompte pas ce qui relève de l'économie non-marchande. Les "facteurs de production" ne sont pas appréhendés de façon satisfaisante : les tâches domestiques ne sont pas comptabilisées en tant que travail, seul le capital représenté par les appareils ménagers étant pris en compte... mais en tant que biens de consommation.

On raisonne en termes de flux - certaines données n'étant pas intégrées alors qu'elles devraient l'être, d'autres étant comptabilisées comme profits, produits ou revenus alors qu'il s'agit de désinvestissements, désutilités ou pertes - sans prendre en compte la dynamique des relations entre acteurs de l'économie. Que dire de la réduction des ménages à la seule fonction de consommation, lorsqu'on assiste à un développement considérable du bricolage et d'autres formes d'autoproduction ?

La traditionnelle classification des activités en trois secteurs (agriculture, industrie, services) est elle-même contestable. Car on observe une "horizontalisation" des fonctions à travers les trois secteurs - et on ne dépassera pas cette vision devenue trop sommaire en évoquant un secteur "quaternaire" (gestion, informatique, marketing, recherche, ingénierie, etc.). Il faut en effet tenir compte du caractère à la fois évolutif et dépendant des services. Evolutif, car il se crée constamment de nouveaux services, mais aussi, par exemple, parce que certains services sont remplacés par des produits industriels : la réparation automobile par des échanges standards de pièces ou composants, la préparation pharmaceutique par des médicaments fabriqués en série ou la blanchisserie par les machines à laver individuelles. Dépendant, car de nombreux services intègrent dans leur valeur ajoutée une part importante de produits industriels : l'avion pour les transports aériens, les équipements téléphoniques pour les télécommunications, les appareils radiologiques, opératoires ou autres pour la santé. Et parce que les services constituent le nécessaire accompagnement ou complément des activités industrielles.

Par ailleurs, ce n'est plus le consommateur final qui joue le rôle essentiel dans les échanges. Ce sont les échanges entre entreprises et avec les différents systèmes "logistiques" (de transport, de distribution, d'énergie, d'information) et services publics (éducation, santé, culture, défense) qui constituent une part croissante d'un marché où non seulement la place des services tend à devenir prépondérante, mais encore où les rôles des différents acteurs ne peuvent plus être réduits à une seule fonction : conception ou production ou transformation ou distribution ou consommation.

En résumé, que l'on se réfère aux théories économiques "de l'offre" ou "de la demande", on tend à réduire le système économique à un marché où se rencontrent des producteurs et des consommateurs, alors que d'une part, il y a des marchés ("marché" humain, marché financier, marché des matières premières, marché des biens et services...) et que, d'autre part, le producteur et le consommateur final s'insèrent dans des systèmes d'une complexité croissante : quelle est la signification réelle de la production et de l'achat d'un téléviseur, ou du paiement d'une redevance annuelle, par rapport au volume d'informations transmises, non comptabilisées, ou à l'importance du système de communication mis en œuvre, avec ses supports techniques, de l'émetteur à l'antenne en passant par les relais et satellites... sans compter la complexité du jeu des acteurs économiques (quel est "l'offreur" et quel est "le demandeur" du satellite ?).

Ainsi que le souligne le rapport Interfuturs [OCDE], "nos classements en biens et services sont très mal adaptés aux sociétés postindustrielles. Nous manquons de concepts - et a fortiori des données statistiques - nécessaires pour analyser correctement la transformation des consommations, l'évolution de la nature des emplois"...

Ecrit en 1982[3], ce texte reste d'une actualité confondante, même si l'on a pu procéder à quelques réelles avancées, comme la généralisation du bilan social ou des indicateurs de développement humain (IDH)...


[2]  Cf. annexe 4, Le coût de l’enfant et le coût de la "non-famille".

[3] J.P. Quentin, "Mutation 2000, le tournant de la civilisation", 1982 - http://www.algoric.com/zz/xLivres.htm

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Plan du rapport :
Synthèse & problématiques générales
Introduction
1 - La garde d'enfants coûte cher à la collectivité...
2 - Si on compte, il faut tout compter...
3 - Le temps change... la gestion locale s'adapte
4 - Le "métro-boulot-dodo" c'est fini...
5 - Interactions : ce n'est plus aux femmes de réguler le système...
6 - Convergences : management et gouvernance
Annexes
Sommaire détaillé

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